الثلاثاء، 12 مايو 2020

Le Rocher des Ath Ameur


Le Rocher des Ath Ameur[i]
Nejm-Eddine Mahla      



Il m’arrivait dans ma prime jeunesse de me promener avec mon père sur les hauteurs du mont Foughal, le plus haut sommet de la chaîne montagneuse des Béni Snassen, grande et fière tribu berbère du nord est du Maroc. Un jour, après une escalade très difficile, nous nous étions arrêtés, mon père et moi pour reprendre notre souffle. Je contemplais la beauté environnante qui fait la renommée de la région quand mon regard fut attiré par un rocher aux dimensions anormales. La taille d’un immeuble de deux étages au moins. Je commençais à cogiter, à me demander  comment il était arrivé jusqu’au pied de cette montagne. A l’époque, mes connaissances en géologie étaient presque nulles, autant dire que je n’avais trouvé aucune explication à la présence de ce mastodonte en position érectile. Mon père qui m’observait du coin de l’œil, m’interpela comme s’il lisait dans mes pensées :
-T’as-vu ce rocher  comme il est gigantesque ?!
J’acquiesçais du chef en continuant à scruter cette création de la nature.
-Tu sais, repris mon père, autour de ce bloc il y a une anecdote qui se raconte depuis la nuit des temps.
Au mot histoire, je fis volte face. J’avais mordu à l’hameçon. Je demandai à mon paternel de me la raconter. Il ne se fit guère prier. Ces randonnées et les histoires qu’il me relatait, c’était sa façon à lui de me faire connaître la terre de nos aïeux : où et comment ils vivaient, leurs exploits comme leurs déboires. Bref tout ce que devait connaître le pubère que j’étais. Et pour rien au monde je ne pouvais  manquer ces rendez-vous studieux.
« L’histoire de ce rocher est intimement liée à celle des Ath Ameur. Cette anecdote est vraie, fausse ? Nul ne le sait. Mais ce dont les anciens de la tribu étaient sûrs, et qu’on le veuille ou non, est que ce mastodonte a, des siècles durant,  façonné et la vie et le paysage des lieux où s’étaient installés les Ath Ameur.
Les Ath Ameur est l’une des petites factions de la grande et belliqueuse confédération des tribus des Béni Snassen. Sachant que jusqu’à une époque qui n’est pas si lointaine de la nôtre, la puissance d’un clan se mesurait, certes au nombre de ses guerriers mais aussi à son cheptel et aux terres fertiles qu’il possédait. Malheureusement, ce groupe n’était pas de cette catégorie-là et de ce fait, il ne pouvait prétendre à des terres fertiles et de surcroît imposer son point de vue lors des grandes réunions annuelles des différents clans et familles de la tribu mère. Et leur installation sur le flanc le plus abrupte de la montagne, et surtout le moins généreux ne faisait que confirmer cette position-là. Une immensité de pierraille qui empêchait toute culture. Quelques amandiers pelés, des oliviers deux fois  centenaires et puis… » Mon père s’arrêta comme pour créer le suspense et repris :
-La force de leurs bras ! Alors pour compenser cette malchance,  les gens de cette faction avaient trimé des années et des années durant sans se fatiguer ni perdre un iota de la verve et de la foi qui les animaient. Ainsi et entre temps, ils avaient acquis un savoir faire inégalable, pour ne pas dire qui faisait défaut à leurs cousins des autres clans. Grâce à leur labeur et au cumul des connaissances qu’ils avaient acquises, ils avaient transformé le tas de pierraille qu’ils possédaient en vergers verdoyants et bien entretenus. Ils avaient gagné leur pari, celui de faire de ces terres stériles, la poule aux œufs d’or. Et ils avaient gardé comme fruit fétiche l’amandier. Les plus succulents et les moins chers étaient et sont toujours les amandiers des Ath Ameur. Le terroir est pour quelque chose bien sûr.
Voilà pour l’histoire des Ath Ameur, venons-en à celle du rocher. Comme je l’ai déjà relatée, elle est liée à celle de la tribu. Sur le sommet de la montagne où nous nous trouvons en ce moment, il y avait une grande pierre incrustée dans le sol jusqu’à n’en faire qu’un avec lui. Elle faisait un peu partie du paysage. Et les paysans vaquaient à leurs occupations sans faire attention à elle. Mais un jour, survint l’irréparable qui allait bouleverser la vie de ces paisibles paysans mais aussi le site dans sa globalité et pour toujours. Par une journée très ensoleillées de fin d’hiver, les bourgeons des amandiers qui  avaient embelli le paysage commençaient à tomber et les Ath Ameur,  chacun retranché dans sa parcelle de terrain, travaillaient d’arrache-pied  à essarter, à défricher et à couper ce qui devait l’être,  tout guillerets à l’idée de la bonne récolte qu’ils auraient à écouler, par la grâce d’Allah,  l’été suivant. Mais les voies du Seigneur sont impénétrables car il arriva qu’un grondement se fit entendre de loin, suivit d’un éboulis de petites pierres et de terre. Tout le monde se mit à l’abri tant bien que mal. Mais que peut-on faire contre les forces de la nature ? Les pauvres fellahs l’apprirent à leur dépend et de la manière la plus tragique qui fût. La secousse, paraît-il, affaiblit l’assise du rocher. Ils le constatèrent, et de visu.  La moindre vibration et le monstre serait au pied de la montagne. La personne sensée aurait quitté les lieux sans tergiversations et à toute vitesse, mais c’était mal connaître les Ath Ameur. Au lieu, donc, de prendre la poudre d’escampette, ils s’étaient mis debout, chacun à l’orée de sa parcelle tout en levant les bras comme, comble de niaiserie, s’ils s’apprêtaient à stopper cette force de la nature. Ce gigantesque brisant. Et ce qui devait arriver arriva. Une secousse, un éboulement et le géant de dévaler à une vitesse vertigineuse. Il écrasa tout sur son passage. De cette folie suicidaire subite, il en résulta cent victimes. La centième était une veuve éplorée.
De nos jours, quand on veut taxer quelqu’un  d’ineptie et de balourdise, on lui rappelle cette histoire qui finit toujours par ce refrain proverbiale : « Ath Ameur bou tazrout, 99 lkhalq yammouthen, lakmal thmattoyt ». Autrement dit cette folie n’épargne même pas les femmes.
-Maintenant mon fils, me dit mon père, laissant de côté l’histoire du rocher et la niaiserie présumée de ces braves gens et dis-moi ce que tu penses de ce tas de pierraille que tu vois à perte de vue?
-Mais, mais je vois rien? répondis-je tout étonné.
-Je vois que tu n’as pas saisi mon allusion. Ce que nous voyons, c’est un tapis rouge orné à perte de vue. Du terrain abrupt, du tas de pierraille, ils en ont fait une vraie oasis. Des amandiers, des amandiers et encore des amandiers… Ceci est le résultat d’un labeur continu et d’un savoir faire hérité de père en fils mais aussi et surtout d’une force de caractère exemplaire. Et quand on contemple cette féerie, l’histoire du Rocher n’a pas droit de cité ici… enfin presque, ajouta-t-il avec un sourire à peine visible.
-Hein, comment ? demandai-je précipitamment en le regardant de face.
-Tu vois ces gabions là-bas ?
-Gabions ?
-Ces parapets de pierres entassées l’une sur l’autre avec  grande patience, ces frontons  qui séparent les parcelles entre elles ?! C’est peut-être la seule séquelle qui subsiste depuis cette folie subite qui avait frappé les aïeux de ces gens-là. Une rancune à l’égard de tout ce qui est pierre  et galet. Quand le paysan n’a rie à faire, il cherche les cailloux où qu’ils soient comme on débusque les perdrix et les faisans dans les bosquets et les buissons pendant la saison de la chasse.
-C’est la première fois que j’entends que la haine a quelque chose de bon, rétorquai-je triomphalement.
-Oui mais contre les pierres et non contre les hommes ! Réponse du berger à la bergère. Nous nous sommes bien reposés, ajouta-t-il, il est temps de partir. On va dévaler ce versant de la montagne direction Rislane.
-Pourquoi Rislane ? demandai-je tout étonné.
-C’est la plaque tournante de la vente des amandes pardi !    
Nejm-Eddine Mahla       


[i] -En hommage à la faction des Ath Ameur, parmi lesquels je compte beaucoup de cousins du côté de ma regrettée tante paternelle, 3amti Mannana que Dieu l’ait en sa sainte miséricorde.





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