La disparition du
Shikomori
Ecrit par EL-HADJE BOINA MADI
Origines
et évolution de la langue comorienne
A l’origine, la langue comorienne
est une langue riche par ses panachages de civilisations. Elle est complexe. Et
sa plus grande complexité repose sur le fait qu’elle se rapproche autant
qu’elle se distingue. Elle se rapproche de ce fait qu’elle forme une seule
langue ; le Shikomori ; malgré l’amalgame des mots, d’expressions. C’est
ce qui fait que deux comoriens, venant de deux iles différentes peuvent bien
communiquer et se comprendre facilement. Et la distinction est causée par la division
non seulement de civilisation mais aussi territoriale : Comores est un
ensemble d’iles autonomes. Mais au-delà de tout cela, les iles Comores sont
parmi les pays qui vivent en harmonie, malgré les clivages entre village, les
clans, les quartiers et tout, elles présentent une très grande cohérence.
Ainsi la langue comorienne est
subdivisée selon les iles. Shingazidja, shimwali, shindzuani, Shimaoré :
ce sont ces quatre dialectes qui forment cette langue qu’on nomme le shikomori,
comme entité à part entière au sein des grandes
familles linguistiques constituant les peuples noirs africains.
On distingue cinq grandes
familles linguistiques des peuples noirs :
-
Famille Chamito-sémitique
-
Famille
Nilo-saharienne
-
Famille Negro-congolaise
-
Famille Khoisane
-
Famille Bantoue (mélange de langue africaine et de
l’arabe)
Le Shikomori a une grande
affinité avec le Swahili (presque les mêmes vocabulaires, le ton se distingue
un peu mais ce sont les mêmes mots utilisés, de sorte qu’un comorien et un
Tanzanien peuvent discuter et se comprendre) ; alors que la langue Swahili
appartient à cette dernière grande famille linguistique qu’on a nommé, la
famille Bantoue ; à savoir donc que le Shikomori vient également de cette lignée
familiale. Mais il faut se rappeler aussi qu’il ya eu une grande influence des
arabes au XIIe siècle. L’histoire nous apprend que des géographes arabes ont signalé
le canal de Mozambique (canal de Qumr), qui deviendra le nom des iles Comores
un peu plus tard, pour désigner les iles de la lune. Raison pour laquelle
l’arabe est devenu la langue sacrée, la langue religieuse, Comores étant constitué
par l’islam de rite sunnite.
Puis après des siècles il y a eu
l’influence de la langue française (lors de la colonisation). Et cela n’a pas
cessé de prendre d’ampleur jusqu’à notre monde actuel. Et ce sont souvent les
jeunes qui ont cette pensée de valoriser tout ce qui est européen pour ne pas
dire français, y compris la langue. A partir de là, la langue comorienne
commence à perdre sa valeur.
Jeunes
comoriens aux emprises de l’entre deux langues
Le
sort de la langue comorienne
Après l’indépendance en 1975, la
France a laissé d’empreintes qui sont, en tout cas jusqu’alors, intarissables.
Et depuis, elle n’arrête pas de poursuivre sa quête. Parmi ces empreintes, on
trouve la langue (effectivement il y a aussi le mode d’habillement et ses coutumes
elles-mêmes). Cette langue française va s’imposer comme un symbole de
modernisation quelques années après : une sorte d’honneur, genre parler en français fait d’un comorien un
homme civilisé. Tout au contraire la langue locale symbolise le non-civilisé,
la « barbarie », tout ce qui est de primitif, dans le sens péjoratif.
La langue française continue à faire main basse sur elle et à l’étouffer, elle
agonise. Actuellement, deux comoriens ne peuvent pas échanger deux, trois
phrases sans mettre un mot français à l’intérieur.
Causes
de cette disparition de la langue comorienne :
L’internet
et la télévision :
L’internet et la télévision ont
une grande influence sur la destruction de la langue comorienne.
Devant nos portables, nos
ordinateurs, on voit rarement le Shikomori. Dans nos commentaires, dans nos
messages publics ou privés. Et ce même en étant entre comoriens. Parce qu’il y
a certains cas où on est contraint de parler français ; c’est le moment où
on est devant des personnes non-comoriens, qui ne comprennent pas ce qu’on dit.
Ou quand on est à la faculté. Sinon dans un groupe assemblant plusieurs
communautés (sur facebook, snapchat…mais entre comoriens, il n’y a pas du mal à
parler sa langue, l’internet ne refuse aucune langue du monde après tout. Mais
ce n’est pas le cas pour la jeunesse comorienne. Le français est devenu leur
langue quotidienne, puisqu’ils passent beaucoup de leur temps dans les réseaux
sociaux.
On a parlé également de la
télévision, c’est presque la même chose ; l’influence de la télé dans la
langue comorienne vient des films et des séries qu’on suive tous les
jours ; les séries, les films, agissent non seulement sur la langue mais
aussi sur la culture comorienne en générale.
Le
voyage :
A présent beaucoup de comoriens
voyagent. Ce n’est pas comme avant. On voit beaucoup de choses. Entre la vie à
l’étranger et la vie au pays, on se partage. Prenons le cas de ceux qui vivent
en France, pour leurs études, ou pour autre chose. Il y’a parmi eux ceux qui
sont nés déjà là-bas. Ils sont dans ce qu’on appelle « écartèlement »
ou « déchirement » identitaire. Ils ont une double identité ; puisqu’ils
sont censés appendre deux langues à la fois et donc avoir deux cultures à la
fois. A l’école, ou dans leur boulot, si ce ne sont pas des jeunes, ils doivent
parler en français, et à la maison parler en comorien, avec la famille. La plus
part de temps c’est le français qui prédomine, puisqu’ils passent beaucoup de
temps avec leurs amis qu’avec leurs familles, la famille c’est gênant, quand on
vit dans un pays libre. En plus c’est la société à laquelle ils fréquentent
tous les jours.
Ces jeunes, en rentrant au pays,
pour vivre la seconde vie (la vie au bled), ils emportent ces manières, et
cette langue française devenue presque langue maternelle pour eux là-bas. Ceux
qui sont au pays les prennent souvent pour des princes. ils n’ont rien à faire
que de suivre le mouvement, afin de se sentir comme eux, ils sont obligés donc
de parler français, histoire de trouver leur place dans la société (dans ce
monde de namipvangu, la société
comorienne se transforme en société française).
Pour notre cas nous qui sommes
dans le Maghreb, c’est toujours l’Afrique, tout ce qu’on fait on le fait par
influence, on voit nos frères et sœurs qui sont en haut, sur l’internet, et on
veut suivre leurs façon de voir et de faire les choses, sur leurs selfies ;
facebook, snapchat, Instagram…ils postent leurs photos, leurs vidéos, et nous
on se croit vivre à l’étranger « manga », on doit donc agir comme
eux. Et donc parler comme eux, on oublie qu’eux, ils vivent déjà chez les
français, ils ont une double identité. Une identité éclatée. On peut avoir
plusieurs identités: comme disait Claude Lévi-Strauss L’identité prend multiples formes, selon l’occasion… chaque individu
possède en même temps des multiples identités. Toutefois nous, on est en
Afrique (exp : Med 6 et l’union
africaine). Peut etre dans un pays qui ne vient pas de la famille Bantoue
certes, mais qui n’est pas français non plus, plutôt arabe. On devrait peut être
apprendre à parler l’arabe, qui est une langue sacrée au pays, mais au lieu de
ça on abandonne notre langue pour le français.
La
musique ou l’art :
L’histoire de la musique
comorienne s’efface ; maintenant il y a de zouk du rap. On écoute beaucoup
de muisiques étrangères que des musiques comoriennes.
La chanson est mélodie et parole.
C’est la langue qui entre en jeux encore une fois. La chanson traditionnelle
comorienne disparait aussi avec la langue: les Toirab, les wadaha, sambé... ils
ne gardent que leurs parfums maintenant. Parce que si on parle d’un chant
traditionnel, c’est avant tout un chant chanté en langue locale, le folklore et
tout (les chansons de Soultoine, Zilé... jusqu’à la génération d’Abu Chihabi,
Boule des iles, …, étaient chantés en comorien pure. Mais une fois qu’on y mette
une autre langue, ça perd sa valeur traditionnelle déjà. C’est ce qui se passe
actuellement. La majorité des chansons comoriennes présentement n’y manquent pas
des mots d’autres langues, le français plus particulièrement. Qu’ils soient des
chanteurs comoriens vivant à la métropole, ou ceux qui habitent au pays, on
peut trouver même un chanteur comorien, qui n’a jamais sorti des iles Comores,
et qui chante un son complètement en français ou indien. Puis il va appeler ça
« zouk comorien »
Alors que les comoriens qui
ignorent leurs langues (je parle de ceux qui sont en France) cherchent à la
connaitre maintenant, ceux qui sont au pays cherchent à la fuir. Les grands rappeurs
comoriens, les artistes franco-comoriens actuellement cherchent à introduire
des mots locals dans leurs musiques, ils vont même jusqu’au pays pour apprendre
leur langue maternelle et donc leur histoire_ et ceux qui ne la connaissent pas
cherchent à la connaitre (Alonzo, Rohff, MOH, Sayz’s, Sultan, OU2S…) j’avoue que c’est une bonne chose, je pense
que c’est peut être pour inciter leurs frères au pays de bien vouloir garder notre
langue, à coté de l’idée de faire connaitre le shikomori dans le monde.
Si je parle de musique, je parle
également de la Littérature (production littéraire) ; elles suivent le
même mouvement. Les romans, les recueils de poésie, depuis les dernières années
du XXe siècle sont écrits en français. Ce qui n’est pas une mauvaise chose si
on veut rependre nos coutumes et mœurs dans le monde, mais qui touche également
à la langue locale, et ça la consume peu à peu.
(Les causes on peut en citer tant
d’autres, mais on se contente de ces trois là, qui sont les plus influents.)
Conséquences :
Division : entre ceux qui parlent
français et ceux qui n’en parlent pas (matswandzi)
Disparition : de la langue
pour une autre
Perte de soi : on se perd
nous-mêmes, ne sachant plus qui nous sommes : français ou comoriens :
étranger chez soi.
Que
doit-on faire, pour remédier à ce fléau ?
(Conclusion)
Pour en déduire tout cela, on
dira que la langue comorienne qui était avant, un métissage de langue bantoue et
de l’arabe est devenue un métissage de bantoue et du français, et que ce
dernier prend de plus en plus d’ampleur au point de causer une perte de
Shikomori.
Et pour mettre fin à ce fléau, on
vous dit que : apprendre le français est une obligation, on doit le faire,
puisqu’on vit dans un monde inter/multiculturel, en plus c’est notre langue
officielle. Mais pas pour autant oublier la notre. Parlons français dans les
cas nécessaires. Mais entre nous, essayons de parler notre langue, cela nous
permettra de bien la garder dans nos bouches, dans nos mémoires, et par conséquent
la garder encore vivante avec ses valeurs qui lui conviennent. Adopter une
autre langue n’est pas forcement se détacher de la sienne.
La solution se trouve chez nous même,
dans notre histoire : l’histoire est un cauchemar lequel on essaye
toujours de se réveiller. Revenons dans nos racines, dans ce qui nous unit,
malgré l’océan qui sépare nos iles, ce lien qui n’est autre que notre langue,
pour nous et pour les générations avenir.
Elle est belle la langue comorienne. Que Dieu
la bénisse et vous bénisse tous.
ليست هناك تعليقات:
إرسال تعليق